Svenia Busson est membre de Mangrove, une “communauté globale de personnes qui partagent les mêmes valeurs et collaborent pour se développer personnellement”, comme l’explique son site. Créée en 2016, Mangrove invente une nouvelle façon de travailler, fondée sur l’entraide et la liberté. Svenia Busson nous en a dit un peu plus…
Quelle a été la genèse de Mangrove ? À quel besoin est-ce que ça répondait ?
On a créé Mangrove car on ne se retrouvait dans aucune voie professionnelle qui s’ouvrait à nous, qui sortions d’écoles de commerce ou d’ingénieur : ni les grands groupes, ni les start-ups, ni le travail freelance en solitaire. On a donc créé notre propre façon de travailler, qui repose sur le besoin de travailler en collectif.
Nous sommes chacun sur nos missions et nos métiers à nous — la plupart d’entre nous sont freelance –, mais au sein d’un écosystème de gens qui s’entraident. Mangrove s’est fondé sur trois grandes valeurs qui étaient extrêmement importantes pour nous : la bienveillance, la liberté et la transparence. C’était fondamental qu’il n’y ait pas de compétition et qu’on soit libres de travailler quand et avec qui on voulait.
Concrètement, à quoi ressemble cette manière de travailler ?
Il n’y a pas une journée pareille. On passe un cinquième de notre temps sur Mangrove, à développer la communauté, et le reste du temps sur nos jobs. En fait, le temps se divise en trois : le travail pour Mangrove, le boulot qui nous fait vivre, et la partie fun. Parce que c’est très important aussi de prendre du temps pour soi et pour se développer.
Combien êtes-vous aujourd’hui ?
Mangrove a été créé par cinq garçons et je suis venue juste un tout petit peu après. À un certain point nous avons été 120 dans la communauté, mais nous sommes en pleine refonte et nous ne sommes plus que 40 aujourd’hui. On avait des Mangrove Builders qui faisaient vivre la communauté et créaient des produits, et puis des Mangrove Friends qui partageaient nos valeurs mais ne faisaient rien. Aujourd’hui on ne veut que des gens extrêmement engagés, prêts à donner du temps, de l’énergie et de la passion. Donc on a supprimé Mangrove Friends et encouragé les membres de la communauté à plus s’impliquer.
On essaie de créer des hubs partout dans le monde pour favoriser les liens concrets. Par exemple, en ce moment, on a cinq personnes ultra motivées qui sont en train de lancer un hub à Berlin. Après, nous sommes beaucoup de digital nomades qui voyagent tout le temps et ne sont pas vraiment établis quelque part. Mais nous avons beaucoup de membres en Europe et quelques-uns en Asie et aux États-Unis.
Comment réussit-on à travailler ensemble ?
Nous avons créé plusieurs outils pour travailler efficacement et collaborativement, et pour mieux se sentir. Ils sont fondés sur nos trois valeurs. Par exemple, nous avons développé pour notre “noyau dur” un outil, Rachid, qui nous demande tous les jours comment on se sent dans notre travail et ce qu’on a envie de partager avec les autres. Ça aide à voir comment se sent toute l’équipe, alors même qu’on est dispersés physiquement. On peut suivre l’évolution de chacun. On a aussi mis en place un outil d’apprentissage pair à pair, ouvert cette fois à toute la communauté : chaque mois, il vous demande ce que vous voulez apprendre et ce que vous avez envie d’enseigner. Et notre algorithme “matche” les gens, leur permet de se rencontrer et de créer des liens. Donc Mangrove, ce n’est pas que des gens qui s’amusent ! On est dans la construction, on développe des choses très concrètes. D’ailleurs, Rachid a été acheté par RTE, une très grosse entreprise d’électricité, et est utilisé par plus de 100 personnes. C’est beau de voir qu’on a créé des outils qui ont un impact dans d’autres entreprises.
En plus de ça, on organise des retraites tous les trois mois : tous ensemble, on loue une grande maison où on passe une à trois semaines pour travailler tous ensemble dans un cadre différent, chacun sur ses projets. C’est un momentum collectif avec des gens très motivés et des compétences différentes, donc on s’entraide, c’est vraiment du boulot ! C’est un cadre de vie qui nous plaît vraiment, dans lequel on grandit beaucoup. Et on est trois fois plus efficaces.
Comment voyez-vous le travail évoluer, y compris dans les entreprises “classiques” ?
Le travail se transforme : il est beaucoup plus axé sur l’humain. Il y a tellement de choses que la machine va pouvoir faire qu’il va bien falloir remettre l’humain au centre de tout. C’est pour cela que la bienveillance est aussi importante. Il faut que cela parte des managers, qui acceptent de perdre leur pouvoir et leur situation dominante. Le manager doit instaurer une confiance pour que les gens osent innover et faire des choses hors-cadre. On est très inspirés par le livre Leaders Eat Last, de Simon Sinek, qui évoque comment les managers peuvent transformer la culture de l’entreprise. Cette transformation culturelle est vraiment clé.
Qu’espérez-vous pour l’avenir de Mangrove et du travail ?
Justement, notre démarche actuelle de repenser tout le modèle de Mangrove repose sur le fait que nous ne voulons plus nous focaliser sur le futur du travail. Nous voulons être un écosystème de gens prêts à s’entraider et à vivre en collectif. On se concentre beaucoup sur les personnes, on s’entraide, on cherche à savoir comment les autres se sentent. On a envie de se recentrer sur l’humain et la communauté, et de faire moins de choses à l’extérieur. Nous allons continuer de développer des outils d’entraide. Notre but, c’est le développement personnel de nos membres. Que chaque personne qui passe par Mangrove connaisse un développement immense de sa personne et en sorte fortifié.
Revivez son intervention au 11e WFRE sur la Collection