Brianna McGuire est la fondatrice et PDG de Foodfully, une application mobile qui aide les utilisateurs à réduire leurs déchets alimentaires en analysant les dates de péremption des produits et en proposant des recettes pour consommer ceux étant sur le point de périmer. Brianna s’est donné pour mission d’éliminer le gaspillage alimentaire des foyers américains ; elle partage ses réflexions et son expertise sur la façon dont la technologie peut l’aider à atteindre cet objectif.
Quel est votre parcours et comment vous est venu l’idée de Foodfully?
J’ai une formation de phytopathologiste. Je suis venue en Californie pour faire un Master en phytopathologie et j’ai travaillé sur une maladie fongique qui touche les vignes: j’ai modélisé sa propagation pour déterminer à quel moment elle est la plus vulnérable aux sprays fongicides afin d’en réduire leur utilisation. Un soir je suis rentrée après une longue journée de travail et un de mes colocataires avait laissé une bouteille de vin ouverte sur le comptoir de la cuisine. J’ai réalisé que tout le travail que j’accomplissais pour rendre le raisin plus durable n’avait pas de valeur si personne ne le consommait. J’ai compris à ce moment que je voulais faire partie du mouvement dédié à la réduction du gaspillage alimentaire, en particulier celui généré par les particuliers : aux Etats-Unis, 25% de ce que les gens achètent part à la poubelle, ce qui représente 30% de l’ensemble de la chaîne de gaspillage alimentaire. Je me suis associée à des amis ingénieurs avec qui nous avons eu l’idée de Foodfully et nous avons participé à des concours. Nous avons pu collecter près de 50 000 dollars en une année et concevoir l’application que nous avons lancée il y a 6 mois.
Pourquoi avoir besoin d’une appli pour cela ?
La culture alimentaire et le niveau de vie semblent déterminer le niveau de gaspillage alimentaire d’une région. Aux Etats-Unis, si vous vivez de façon aisée et que vous n’avez pas besoin de faire attention à la façon dont vous utilisez la nourriture, celle-ci aura peu d’importance à vos yeux et vous la jetterez facilement. Les petits enjeux comportementaux qui amènent au gaspillage alimentaire aux Etats-Unis doivent être surmontés. Nous les avons analysés et c’est ce que fait notre appli : elle envoie aux utilisateurs des notifications avant que leurs produits ne périment ainsi que des recettes pour les cuisiner car beaucoup de gens n’ont aucune idée de la façon dont préparer certains aliments, c’est donc ce que nous essayons de fournir.
Foodfully App from Foodfully on Vimeo.
Est-ce que la technologie est une réponse aux enjeux de durabilité ?
Pour le gaspillage alimentaire, beaucoup d’enjeux peuvent être résolus ou améliorés grâce à la technologie. Certaines réussites plus importantes le démontrent : le secteur alimentaire dans lequel la technologie a le plus d’impact est celui qui concerne la récupération des fruits et légumes non calibrés pour les envoyer dans des épiceries ou des structures qui les transforment en jus ou confitures. Ceux-là fonctionnent très bien. Il n’y a pas eu besoin de nouveau logiciel de créer mais la technologie a permis d’ouvrir une nouvelle chaîne d’approvisionnement et la simplifie pour la rendre la plus efficace possible. Plus en aval, pour attirer plus de monde il faut rendre les choses plus flashy et intéressantes. Je pense que nous verrons de plus en plus d’accessoires et de dispositifs de suivi tels que FitBit pour le réfrigérateur, June Oven qui a des caméras qui permettent de surveiller la nourriture pendant qu’elle cuit, ou encore Zera qui transforme la nourriture en engrais en 24h. Ces dispositifs qui intègrent les foyers pourront avoir plus d’impact qu’un simple logiciel car les gens auront envie de les essayer. Les logiciels auront probablement un impact sur la distribution, et les accessoires auront un impact sur les consommateurs.
Existe-t-il d’autres moyens de réduire le gaspillage pour lesquels la technologie pourrait servir ?
Si l’on regarde la technologie comme étant tout ce qui implique l’application du savoir scientifique, je dirais que nous verrons certainement apparaître des solutions chimiques qui seront disséminées tout au long de la chaîne d’approvisionnement pour réduire le gaspillage et améliorer la traçabilité. Il y existe des start-ups en biochimie qui conçoivent des enrobages pour fruit à base de protéines de vers à soie qui sont très fines, sans goût et inodores et qui permettent à la nourriture de se conserver beaucoup plus longtemps. Tout ceci sans aucune modification génétique. D’autres font des brins d’ADN et les intègrent à de la cire pour cirer les fruits avec: cet ADN peut être rapidement scanné dans une épicerie afin que vous sachiez d’où vient le produit. De cette façon vous êtes vraiment connectés à votre nourriture : ce niveau d’information permettra aux gens d’apprécier encore plus leur nourriture. Nous verrons la biologie faire la différence également.
Foodfully aide les gens à moins gaspiller. Pensez-vous que les déchets peuvent également être une ressource ?
Les déchets ne représentent pas la même ressource pour les consommateurs et les entreprises : pour l’instant, les gens sont limités à composter leurs déchets dans leur jardin. Il me semble préférable de limiter les déchets car ici le nombre de personnes qui s’en servent de façon utile est probablement bien inférieur que dans d’autres pays. Néanmoins je crois tout à fait que les déchets sont une ressource et que nous devrions approfondir cet axe.
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