Les outils technologiques bouleversent la manière dont on s’instruit et on se forme, des salles de classe aux formations continues en ligne. Mais ils s’avèrent aussi de précieux outils pour démocratiser l’accès au savoir.
En 1999, Edgar Morin écrivait pour l’UNESCO un petit ouvrage intitulé Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, dans lequel il appelait à mettre l’enseignement au service de “l’épanouissement et la libre expression des individus, [qui] constituent notre dessein éthique et politique pour la planète.” Dix-huit ans plus tard, l’éducation se trouve profondément transformée par la technologie : elle est toujours plus personnalisée, interactive, transversale, flexible. Sa mission, elle, est inchangée : donner à tous les outils de leur propre émancipation et, peut-être encore plus qu’hier, les aider à s’adapter constamment aux changements de notre époque. Aujourd’hui, le futur de l’éducation se structure ainsi autour de quelques grands axes dans lesquels la technologie joue, de près ou de loin, un rôle.
Apprendre sur des plateformes
L’éducation et la formation sont des terrains de jeu idéaux pour l’innovation sur Internet. Il y a quelques années, c’était l’arrivée en fanfare des MOOCs, les Massive Open Online Courses, sortes de CNED contemporains qui permettent de suivre des formations à distance. Certaines sont gratuites, certaines sont diplômantes et certaines sont très prestigieuses, puisqu’à côté des plateformes spécialisées comme la Khan Academy les plus grandes universités se sont aussi lancées sur le créneau. Dans le monde de l’entreprise, les centres de formation continue ont plus volontiers recours au SPOC, le Small Private Online Course, plus adapté aux petits groupes. Si certains disent déjà le MOOC en perte de vitesse, il semble que le futur du e-learning soit le crowd learning, c’est-à-dire l’apprentissage par la foule. Particulièrement adapté aux entreprises, le crowd learning part du principe que des compétences et connaissances sont “cachées” dans tous les recoins des organisations, et donc que faciliter l’interaction permet de mieux apprendre les uns des autres. Autre changement de taille apporté par le e-learning : le concept de “badges” électroniques, que l’on gagne après avoir suivi un MOOC, une formation ou simplement grâce à son expérience et que l’on peut afficher sur son profil LinkedIn ou son site personnel. Le badge permet de valoriser l’apprentissage en continu sans avoir à repasser par la case diplôme et reflète une vision moins figée et plus évolutive de la formation.
La salle de classe du futur
C’est peut-être pour l’apprentissage “en présentiel” que les innovations les plus impressionnantes commencent à apparaître. D’abord, la technologie permet de mieux en mieux se comprendre et même d’abolir les barrières de la langue, pour qu’étudiants étrangers ou malentendants et travailleurs détachés ou dans un programme de mobilité internationale puissent suivre les échanges au mieux. Très récemment, Google lançait ses Pixel Buds, des écouteurs connectés qui permettent de traduire 40 langues en temps réel. Microsoft va encore plus loin en adaptant son service de traduction Translator à la salle de classe : Presentation Translator sous-titre en direct la présentation PowerPoint d’un enseignant ou formateur, tandis que Microsoft Translator Live Feature retranscrit les conversations qui ont lieu dans la salle en temps réel et dans la langue voulue sur l’écran du smartphone, de la tablette ou de l’ordinateur.
De manière plus générale, les produits de la gamme Education de la firme de Bill Gates veulent rendre les classes plus collaboratives, mais aussi plus immersives, notamment en utilisant la réalité virtuelle et la réalité augmentée. C’est d’ailleurs sur ce créneau que se positionne Prezi, le principal concurrent de PowerPoint : l’entreprise hongroise a récemment fait la démonstration de ses présentations en réalité augmentée, qu’elle espère particulièrement utiles pour les présentations à distance. Au lieu de regarder sur son écran une personne elle-même placée devant un écran où se déroule sa présentation, on verra les éléments apparaître autour de la personne, comme si elle était devant un fond vert de cinéma. Le tout évidemment de manière dynamique, comme le montrent ce talk TED (à partir de la cinquième minute) et cette vidéo du journaliste Guy Raz.
Égalité des chances pour tous
Enfin, la formation du futur, si elle n’est pas nécessairement bardée de technologies, permet à tous et à chacun de trouver et de révéler son potentiel. En France, c’est l’objectif du Switch Collective, qui propose un programme en ligne et dans la vraie vie intitulé “Fais le bilan, calmement” pour aider “ceux qui ne se retrouvent plus dans leur job” à redonner du sens à leur activité ou à en changer. Le tout en six semaines, qui aident à identifier ses forces, ses faiblesses et surtout ses envies.
Côté formation initiale, de nombreuses initiatives se créent sur le créneau porteur des métiers du numériques. En France, l’entreprise sociale et solidaire Simplon.co propose des formations gratuites pour devenir “développeur de sites web et d’applications mobiles, intégrateur, référent numérique, datartisan, e-commerçant… et bien d’autres métiers numériques ‘en tension’ qui permettent de trouver rapidement un emploi ou de créer sa propre activité.” Les formations s’adressent aux personnes éloignées de l’emploi et sont ouvertes sous critères sociaux avec un objectif de parité homme-femme. Du côté de l’école 42, on propose aux 18-30 ans une formation en informatique entièrement gratuite qui fonctionne en peer-to-peer learning : “un fonctionnement participatif qui permet aux étudiants de libérer toute leur créativité grâce à l’apprentissage par projets.” S’appuyer sur le numérique pour lutter contre le chômage des populations les moins privilégiées : c’est aussi le parti qu’a pris l’entrepreneur sud-africain Luvuyo Rani, que nous avons interviewé cet été. Avec Silulo Ulutho Technologies, il a développé un réseau de centres de formation aux outils numériques pour aider les populations des townships dans leur recherche d’emploi ou leur évolution professionnelle. “Nous voulons avoir un impact sur l’éducation, l’émancipation, la technologie et l’entrepreneuriat”, nous disait-il. Une preuve de plus que la technologie est un outil indispensable pour que l’éducation du futur remplisse sa mission d’émancipation et d’épanouissement.