L’organisation traditionnelle des entreprises connaît de profonds bouleversements, pour répondre à la fois à des défis globaux (changement climatique, crise économique) et à des problématiques plus spécifiques (quête de sens des salariés et arrivée de la génération Y aux postes de management).
Il existe de grands défis communs à tous ceux qui habitent notre planète : la crise environnementale, bien sûr, mais aussi les enjeux liés aux guerres et migrations, la crise économique aux multiples répercussions, les nouvelles donnes géopolitiques, etc. Et puis il y a des défis qui sont propres à certains acteurs et qui, pour ces acteurs, ne sont pas moins grands que les autres. Dans le monde de l’entreprise, ils peuvent être résumés en une formule : le défi des nouveaux modèles entrepreneuriaux. Face à la révolution numérique, aux réglementations environnementales, aux exigences des consommateurs en termes de responsabilité sociale, à l’arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail — entre autres ! —, l’organisation des entreprises se transforme, se réinvente, voire se métamorphose complètement.
Là où l’entreprise classique fonctionnait de manière assez hiérarchisée et verticale, les méthodes de management deviennent de plus en plus horizontales et transversales
Un management déverticalisé
Cette transformation se joue dans trois grands domaines. D’abord, l’évolution des modes de management. Là où l’entreprise classique fonctionnait de manière assez hiérarchisée et verticale, les méthodes de management deviennent de plus en plus horizontales et transversales. Ce changement est poussé par Internet et les technologies de communication, qui permettent une circulation de l’information plus rapide, facilitent la collaboration et rendent possible le télétravail. Elle est aussi alimentée par un changement générationnel. Un sondage récemment réalisé par le recruteur en ligne CareerBuild aux États-Unis indique qu’en 2014, 38% des employés disaient avoir un chef plus jeune qu’eux ; ils étaient 31% en 2010.
Or, l’arrivée de la génération Y aux postes de management porte en elle un paradoxe : d’après une étude menée par le Manpower Group entre février et avril 2016 auprès de 19 000 jeunes dans 25 pays, seuls 30% des actifs de cette génération font du leadership et du management une priorité de carrière. L’un de leurs principaux objectifs est d’avoir un métier qui ait du sens. Une priorité qui informe les mutations managériales à l’oeuvre aujourd’hui : trouver du sens dans son travail, c’est contribuer au bien commun mais aussi collaborer davantage, mettre en lumière les compétences de chacun plutôt que son intitulé de poste, atteindre un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle.
L’esprit start-up infuse partout
C’est là que cette tendance rejoint le deuxième domaine de transformation : les nouvelles formes d’entreprise et de travail. Le travail n’est plus vu comme un moyen d’accéder à une reconnaissance sociale, mais plutôt comme un lieu où l’on peut se développer personnellement. Toujours selon l’étude du Manpower Group, plus des deux tiers des jeunes actifs veulent développer leurs compétences individuelles. Il s’agit donc, selon les personnalités et les profils, de devenir chef de sa propre entreprise en créant sa start-up, de révéler l’intrapreneur qui est en soi ou d’inventer de nouveaux modes de collaboration avec ses collègues et des partenaires extérieurs. Les entreprises traditionnelles, elles, se trouvent infusées par l’agilité de « l’esprit start-up » et apprennent à graduellement abandonner leurs lourdeurs et leurs lenteurs. Même en France, où le présentéisme est encore une valeur forte, le télétravail fait des progrès : en 2016, le cabinet de conseil RH Kronos estimait que 16,7% des Français télétravaillent plus d’une journée par semaine. Pour 71 % des personnes interrogées, le télétravail est une « véritable révolution», et 96 % pensent qu’il améliore le bien-être des salariés.
Nous voyons se développer une demande d’un profil particulier dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, notamment sur des projets d’économie circulaire, explique-t-elle encore. On recherche des sortes d’architectes de projets, qui ont à la fois une excellente connaissance législative, une bonne compréhension technique et qui peuvent gérer les différentes parties prenantes, des élus locaux aux entreprises, en passant par les ONG.
Caroline Renoux, Birdeo
Quête de sens et responsabilité sociétale
Enfin, le troisième grand bouleversement auquel se trouvent confrontées les entreprises est la mobilisation croissante des salariés sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). À la suite de consommateurs toujours plus exigeants sur les modes de production des produits et services qu’ils achètent, et dans la lignée d’une quête de sens au travail qui, on l’a vue, est une tendance lourde chez les plus jeunes générations, les salariés s’impliquent de plus en plus dans les programmes de responsabilité sociale et environnementale.
Avec plusieurs conséquences structurelles. D’abord, les directions environnement, souvent créées par les entreprises pour répondre aux exigences de l’accord de Kyoto ou du Grenelle de l’environnement, se trouvent progressivement « absorbées » par l’entreprise. Plus de département dédié, mais une manière transversale d’aborder l’impact environnemental de tous les métiers. Ensuite, des compétences nouvelles se développent : comme l’explique Caroline Renoux, fondatrice du cabinet de recrutement spécialisé Birdeo à Novethic, les doubles compétences sont de plus en plus recherchées. Par exemple, l’obligation de reporting extra-financier pour certaines entreprises les conduit à rechercher des profils qui maîtrisent à la fois la culture financière et extra-financière ainsi que les indicateurs ESG (environnement, social et gouvernance). « Nous voyons se développer une demande d’un profil particulier dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, notamment sur des projets d’économie circulaire, explique-t-elle encore. On recherche des sortes d’architectes de projets, qui ont à la fois une excellente connaissance législative, une bonne compréhension technique et qui peuvent gérer les différentes parties prenantes, des élus locaux aux entreprises, en passant par les ONG. »
Plus flexible, horizontale et responsable, l’entreprise s’adapte donc jusque dans son organisation aux défis spécifiques à notre époque. Pour tous ceux qui y travaillent, c’est autant un défi — développer de nouvelles compétences, apprendre à être plus souple — qu’une opportunité d’atteindre des objectifs personnels, au premier rang desquels figure le fait de donner du sens à son métier.
Pour aller plus loin : plus de 100 experts du monde entier interviendront du 17 au 19 octobre pour discuter des bouleversements technologiques, sociétaux et économiques de notre époque et présenter leurs réflexions et bonnes pratiques.
Rendez-vous du 17 au 19 octobre 2017 à Lille