Célèbre économiste, théoricien socio-économique et conseiller politique mais également auteur de la théorie de la Troisième Révolution Industrielle, ou Rev3, Jérémy Rifkin revient sur ses différents passages au forum au cours de ces dix dernières années déjà.
Entamer une troisième révolution industrielle constitue un challenge ambitieux, mais les challenges, la région Hauts-de-France aime à les relever, et les mener à bien avec brio ! Rev3 ne fait pas exception à la règle, puisque dans son entretien Rewind, mené par la journaliste Roxane Grioche, Jérémy Rifkin commence par féliciter la Région, celle-ci prenant désormais le rôle de conseil auprès d’autres régions dans leur processus zéro émission
Objectif « zéro émission » en Hauts-de-France : le modèle qui inspire !
Les Hauts-de-France ont démontré que cette révolution était non seulement souhaitable, mais également possible. Selon l’économiste, la première région industrielle de France a su s’adapter et rendre réalité ce type de transformation. Il souligne notamment l’engagement de Daniel percheron et de Xavier Bertrand qui ont su mener la région dans cette voie en y voyant une nécessité non seulement sur le plan économique, mais également pour le système éducatif. Effectivement, M. Rifkin précise que si l’implication des gouvernements à ce processus est très importante, il ne faut pas non plus négliger la participation des jeunes. La région Hauts-de-France, en entamant cette transition, a permis de guider le reste de l’Europe vers une véritable troisième révolution industrielle. La Commission Européenne a en effet entrepris une transition en divisant d’un côté le projet d’une Europe numérique et de l’autre un nouveau Pacte Vert. Ce projet d’Europe numérique englobe des infrastructures regroupant l’internet des données, mais aussi les énergies électriques renouvelables, telles que les énergies solaire et éolienne, ainsi que l’internet des mobilités concernant les véhicules électriques et à pile combustible, dans le but d’arriver à une société dite « zéro émission ». Il invite également les participant de la COP26 à se rendre en Hauts-de-France afin de prendre conscience de l’étendu des projets en cours, et de leurs impacts profonds.
La transition écologique, vers une implication plus citoyenne
M. Rifkin revient sur sa prise de parole à l’occasion de l’édition 2018 du World Forum dans laquelle celui-ci mettait en avant le lien qu’avait établi le Conseil Régional non seulement avec les municipalités, villes et territoires mais également avec les entreprises, lycées et universités en créant des comités. Ces comités, qualifiés de véritables assemblés démocratiques, ont créé des feuilles de route indispensables pour faire évoluer les projets en faveur des générations à venir. Ces assemblés diplomatiques, en impliquant de façon directe les citoyens, constituent une profonde innovation, et permettent alors au gouvernement de s’impliquer dans le projet de façon quotidienne. Jérémy Rifkin explique que ces assemblés se font le modèle d’un virage en termes de gouvernance. Sans pour autant signifier qu’il faut tirer un trait sur les modes de gouvernance plus traditionnels, il semble important de répondre à la crise climatique par un changement sociétal, en impliquant chaque jour un peu plus les citoyens dans la résolution de cette problématique qui concerne tout un chacun. En effet, les évènements climatiques prennent de plus en plus d’ampleur, passant des inondations à la sécheresse, et touchent l’ensemble des communautés. Par conséquent, il est nécessaire que les gouvernements s’ouvrent au profit des « assemblées de pairs », comme c’est déjà le cas via les jurys au sein de la sphère juridique. Les citoyens doivent s’engager au niveau local afin de faciliter la transition vers la troisième révolution industrielle. Jeremy Rifkin s’exprime sur la nécessité pour l’Europe d’appliquer ce modèle d’assemblé citoyenne, tout comme l’ont fait les Hauts de France, afin de progresser sur ce chemin. De plus, il est selon lui impossible d’aller vers « une société climatiquement résiliente » sans faire appel à ses assemblées de citoyens.
Un futur sous le signe de l’espoir
Concernant le futur, Jérémy Rifkin s’alarme quant au manque de visibilité dans les journaux de la sixième extinction de masse qui sévit en ce moment même, les cinq extinctions précédentes ayant empêché la vie pendant quelques 10 millions d’années. Aujourd’hui, les scientifiques s’accordent à dire que 50% des êtres vivants pourraient disparaitre lors des 80 années à suivre. Cependant, l’économiste garde un espace conséquent pour l’espoir, qu’il place dans le développement des technologies, ainsi que dans les marchés acceptant volontiers de se confronter à ce problème majeur, et d’y trouver en réponse de belles solutions innovantes. Il appuie également sur le fait que les énergies solaires et éoliennes sont désormais les énergies les moins chères du monde, et constituent donc désormais de véritables solutions accessibles.
Le théoricien de la troisième révolution industrielle donne quelques conseils à la Région pour pousser la réussite plus loin encore. En effet, s’il est vrai que les communautés commencent de plus en à se mobiliser, cela ne va pas encore assez vite selon l’expert. Il encourage les Hauts-de-France à rénover ses bâtiments, à développer le haut débit pour faciliter la communication, et à faire en sorte que chacun puisse produire sa propre énergie, qu’elle soit éolienne ou solaire, et la partager. Il estime néanmoins qu’au vu des deux révolutions industrielles déjà réalisées en respectivement 30 et 25 ans, il serait possible d’envisager une troisième révolution d’ici 2040, à la condition que chacun reste vigilant à son évolution positive et que les citoyens se voient eux-mêmes comme acteur du changement. Nous, on y croit, et vous ?
Mathilde JAULIN
- Visionnez cet entretien dans son entiereté