Prabashni Naicker est Responsable régionale de la conformité chez SNC-Lavalin, l’une des plus grandes entreprises d’ingénierie et de services de construction au monde. Elle est basée en Afrique du Sud et travaille dans toute l’Afrique subsaharienne pour promouvoir le business éthique et lutter contre la corruption. Nous lui avons posé quelques questions sur les meilleurs moyens de faire du business proprement.
Pouvez-vous expliquer ce que vous faites exactement chez SNC-Lavalin ?
Je m’occupe de deux portfolios. D’une part, je suis en charge des ressources humaines et à ce titre j’ai une visibilité sur les enjeux éthiques liés aux RH. Notre mission est d’assurer des conditions de travail éthiques, ce qui implique de garantir l’équité dans nos recrutements, que tous aient les mêmes privilèges, qu’il n’y ait aucune discrimination d’aucune sorte. Mon autre casquette, c’est la gestion du Programme Éthique et Conformité pour l’Afrique subsaharienne.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’initiative anti-corruption que vous avez établie ?
L’une des choses les plus pertinentes que nous faisons de ce point de vue est une initiative appelée Coalition for Ethical Operations (Coalition pour des opérations éthiques, ndlr), que nous avons lancée en février 2016. Le principe est de rassembler des entreprises qui opèrent en Afrique subsaharienne et qui partagent nos valeurs pour approfondir ensemble les activités anti-corruption. Nous leur envoyons un engagement à signer et dans lequel elles s’engagent à partager leurs meilleures pratiques pour promouvoir le business éthique et réduire la corruption ; à promouvoir des formations en business éthique et contre la corruption pour les PME dans leur chaîne d’approvisionnement ; et à participer à des actions collectives ou collaboratives de temps en temps. Il y a aujourd’hui quinze membres dans la Coalition.
le principal défi : comment faire du business propre et le faire savoir ? Nous voulons gagner nos contrats sur notre capacité à les honorer, et nous voulons que les gens le sachent.
Quelle est la principale forme de corruption à laquelle vous faites face ?
En Afrique subsaharienne, le principal défi ce sont les contrats publics. Il y a une perception selon laquelle le seul moyen d’obtenir du travail de la part des gouvernements, c’est de payer des pots-de-vin. En Afrique du Sud particulièrement c’est un sujet brûlant : il y a de nombreux exemples de membres du gouvernement qui ont passé des accords frauduleux avec des entreprises privées. Pour les entreprises, c’est donc le principal défi : comment faire du business propre et le faire savoir ? Nous voulons gagner nos contrats sur notre capacité à les honorer, et nous voulons que les gens le sachent. L’autre enjeu, c’est que les grandes entreprises ont les moyens de mettre en place des programmes de conformité, mais les plus petites ne le peuvent pas toujours. L’une des choses qui me passionnent le plus dans ce travail, c’est de rassembler des multinationales pour aider ensemble les plus petites organisations à continuer à travailler de manière éthique. En ce moment, nous organisons un événement avec la Banque africaine de développement et la Banque mondiale, qui se tiendra en novembre et qui se focalisera sur les petites entreprises et le partage des leçons que nous avons apprises sur la conformité.
Que faites-vous pour lutter contre la corruption ?
La première étape, c’est de rassembler des entreprises qui se tiennent mutuellement responsables, notamment en signant l’engagement et en partageant leurs solutions. Lors de l’événement de novembre, les entreprises nous diront comment cela marche pour elles et s’aideront mutuellement à aller plus loin. Nous sommes également en train de développer un programme de formation avec l’Institut d’éthique que nous rendrons disponible aux petites entreprises, y compris aux sous-traitants.
Quelles sont les prochaines étapes pour la Coalition ?
L’idée, c’est de grandir dans toute la région. Nous sommes en train de créer une section en Angola avec notre partenaire local, Grupo Mieres, qui contacte des entreprises pour leur proposer de rejoindre la Coalition. Notre but est de nous développer dans plusieurs pays : à ce jour tout est géré depuis l’Afrique du Sud mais nous voulons aller aussi loin que nous le pouvons.
le business éthique, c’est du business durable
Quel est le principal défi auquel vous avez à faire face ?
C’est faire comprendre aux gens que le business éthique, c’est du business durable. Cela peut complètement être un avantage compétitif pour vous aider à grandir, et ça n’a pas à pénaliser votre activité.
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