Entretien avec Mathieu CHASSIGNET, ingénieur mobilités durables et coordinateur marche, covoiturage à l’ADEME.
Intervenu au sein de la conférence portant sur la décarbonation des mobilités, cet ingénieur spécialisé sur les questions de ville durable revient dans ce témoignage sur la particularité des problématiques et défis de la mobilité de notre région. Un focus est proposé sur les bénéfices du forfait mobilité durable, considéré comme un des leviers concrets que les entreprises peuvent actionner pour réduire la place de la voiture dans notre quotidien.
Quels sont les enjeux régionaux liés à la mobilité durable ?
En Hauts-de-France, nous avons des indicateurs de santé publique assez élevés du côté de la sédentarité, du taux d’obésité, du manque d’activité physique, et qui sont en lien notamment avec les modalités de déplacements des personnes. Pour autant, nous sommes à peu près au niveau des moyennes nationales, bien que nous nous déplacions et habitions un peu plus loin de notre lieu de travail en moyenne : d’après l’Insee, nous parcourions en moyenne 129 km par semaine contre 114 km en province en 2019, émettions 7 % de plus de gaz à effet de serre par an pour nos trajets domicile-travail. Les déplacements ne sont pas les seuls moyens de faire de l’activité physique, mais permettent de s’approcher des 30 minutes journalières recommandées par l’OMS.
Nous pouvons également souligner que dans la région, nous faisons face à des questions d’inclusivité des personnes ayant du mal à se déplacer. Ces dernières peuvent être amenées à refuser un travail, une formation, parce qu’ils seraient situés trop loin, ou que le coût pour y accéder est trop élevé. Ce sont des éléments que nous retrouvons davantage sur le territoire qu’ailleurs en France, les Hauts-de-France étant la 2e région de France métropolitaine la plus exposée au sujet de la pauvreté des ménages. [En 2020, 17,2 % de la population des Hauts-de-France vit sous le seuil de pauvreté monétaire d’après l’Insee, NDRL].
Quelles actions concrètes les entreprises peuvent-elles mettre en place pour répondre à ces problématiques ?
Une entreprise qui veut sérieusement développer une mobilité plus durable se doit notamment de l’encourager financièrement et doit prendre en considération les gains que représente cet engagement. Au-delà d’être environnementaux, ils profitent aux salariés et à l’employeur sur de nombreux aspects.
L’une des mesures les plus simples à mettre en place pour les entreprises est le forfait mobilité durable (FMD). Il s’agit d’une indemnité versée à tous les collaborateurs se rendant sur leur lieu de travail grâce à certains modes de transport plus respectueux de l’environnement, tels que le vélo ou le covoiturage. Ces modes de transports génèrent des coûts, au même titre qu’une voiture individuelle qui, en entreprise, est prise en charge sous de nombreux aspects qu’on a tendance à oublier : Parking gratuit, primes carburants, voitures de fonction… Si l’on compare cette situation à celle d’un cycliste ou d’un piéton, ces derniers n’émettent pas de gaz à effet de serre, mais ne bénéficient pas d’autant d’avantages dans la majorité des cas.
Ce forfait mobilité durable étant facultatif pour les employeurs du secteur privé, beaucoup d’entreprises ne le proposent pas vis-à-vis des coûts que ce dernier peut représenter de prime abord. Pour autant, au-delà du fait qu’il s’agisse d’une question d’égalité entre les salariés, ce forfait présente en réalité un gain pour les organisations : un collaborateur se rendant à vélo au travail sera moins malade, et sera absent en moyenne 1,5 à 2 jours de moins par an que ses collègues sédentaires d’après des études sur la santé publique menées dans plusieurs pays.
De nombreuses études démontrent que les longs trajets domicile-travail ainsi que l’utilisation de la voiture individuelle pour se déplacer constituent des facteurs de non-compétitivité pour les entreprises. Absentéisme, baisse de productivité, insatisfaction au travail, turn-over : les coûts sont nombreux si l’on n’agit pas sur ce sujet. Le temps de trajet domicile-travail doit donc être considéré par les entreprises. Recruter local, et réfléchir à la zone d’implantation des locaux est ainsi un des leviers sur lesquels les entreprises devraient se pencher à l’avenir.
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Pour en savoir plus sur le sujet, découvrez quelques initiatives autour de la mobilité durable de la région menées en 2023, telle qu’une voie dédiée au covoiturage sur l’A1, un programme anti-embouteillages récompensant les automobilistes changeant leurs habitudes, ou encore la charte employeur d’engagement en faveur du covoiturage proposée par l’ADEME.