Entretien avec Simon Karleskind, directeur régional de l’ADEME Hauts-de-France, sur la transition écologique, le rôle des étudiants et l’impact de la COVID-19 sur ce processus.
Au sein de l’ADEME Hauts-de-France, Simon Karleskind dirige l’agence qui aide les entreprises et les territoires à progresser vers un fonctionnement plus écologique. Il aide les acteurs reconnus à apporter des solutions durables dans le domaine.
Vous travaillez à l’ADEME, qui aide à mettre en place la transition écologique dans les Hauts-de-France. Pour vous, comment les étudiants peuvent-ils participer de façon efficace à cette transition ?
« Effectivement, pour la direction régionale de l’ADEME des Hauts-de-France, l’agence de la transition écologique (sous l’autorité de ce ministère), l’enjeu fort est d’embarquer l’ensemble de la population. On sait que les étudiants sont aussi des adultes en devenir, au début de leur carrière professionnelle, et ils ont donc une force d’entraînement de l’ensemble de la société. Les mouvements étudiants ont à l’origine permis énormément de progrès et de dynamiques nouvelles. Aujourd’hui, les étudiants peuvent à la fois se mobiliser par leur cursus, intégrer ceux qui ont trait à des enjeux de transition écologique. On sait qu’on va avoir demain une explosion dans les métiers du vert (au sens large), à tous les niveaux de qualifications, et c’est extrêmement important d’aller nourrir les entreprises, les administrations publiques, les associations de nouvelles compétences, forts sur la transition écologique. Les étudiants sont aussi vecteurs d’un souffle de progrès, grâce à leur engagement au sein de la société.
On a donc des mouvements citoyens, souvent animés par des étudiants, qui permettent de mettre à l’ordre du jour la transition écologique. Et sur la scène politique également, des sujets à enjeu émergent. On attend donc évidemment les étudiants sur l’ensemble de ces enjeux, pour porter la transition écologique, qui encore une fois est un combat à mener par toutes les strates de la société, toujours plus sur le devant de la scène, parce que ce n’est jamais un combat gagné. »
Pour vous, comment les infrastructures déjà en place dans les Hauts-de-France (par exemple, les transports publics) peuvent-elles être améliorées ou rénovées pour mieux tendre vers nos objectifs de développement durable ?
« C’est évident que nos infrastructures telles qu’elles sont – de transports publics précisément, mais aussi les infrastructures d’énergie et de distribution d’eau – sous-tendent tout ce qu’on peut faire. En même temps, il ne faut pas oublier que les pratiques et les habitudes sous-tendent aussi les infrastructures que l’on peut construire. Donc, ce sont des mouvements dans les deux sens.
Est-ce qu’aujourd’hui, les infrastructures sont dimensionnées dans les Hauts-de-France pour nos objectifs, en particulier si on se concentre sur les transports ? Est-ce qu’on fait en sorte que chacun puisse avoir des transports en commun, entre son lieu d’habitation et son lieu d’études ou de travail ? Non. Mais en même temps, est-ce qu’on est un nombre suffisant à faire des efforts importants pour montrer qu’on est prêts à faire plus de marche, à faire plus de vélo, ou de modes doux, à prendre plus les transports en commun, au détriment du véhicule thermique individuel ? On n’y est pas non plus. Donc, il faut évidemment qu’on aille plus loin dans les infrastructures, et il faut aussi qu’on aille plus loin dans les habitudes, sur la question de la sobriété. Il ne faut pas l’oublier, aujourd’hui, sur la question des transports en commun. Si on pense que la voie est seulement d’électrifier les véhicules et de continuer à faire comme on l’a toujours fait, on est dans l’erreur.
Il faut qu’on change nos habitudes, qu’on soit plus sobre, et qu’on participe à des infrastructures de demain, plus ambitieuses, et qui permettent de massifier les modes doux et décarbonées. C’est une petite révolution qui s’approche. »
Vous avez mentionné les véhicules électriques. Pensez-vous que les Zones à Faible Émission (ZFE) ont un impact réel sur la transition écologique ?
« C’est un sujet compliqué. Il faut qu’on prenne conscience que la pollution de l’air, c’est 40 000 morts prématurés en France par an. C’est tout sauf anodin, c’est la santé de tous les citoyens, c’est aussi plus de maladies chroniques, respiratoires, dues à cette pollution de l’air.
Aujourd’hui, sur les principales agglomérations, celles en dépassement, ce dispositif de Zones à Faibles Émissions a l’avantage de porter sur le devant de la scène des politiques locaux. Le sujet de cette qualité de l’air est de mettre en lumière, en fonction des réalités du territoire, le fait qu’il n’y a pas de solution unique. D’ailleurs, la loi dit bien qu’il faut mettre en place des actions, mais ne dit pas exactement le chemin à prendre. C’est aux élus locaux de prendre la responsabilité. En tout cas, ça permet de mettre ce sujet au cœur du débat. Donc, il y a plein de manières de faire, mais sur les principales agglomérations denses, on a des seuils et des qualités de l’air qui ne sont pas satisfaisants. Il faut que la puissance publique agisse, et qu’on mette en place des solutions pour cela. »
Depuis la pandémie de COVID-19, qui a mis en perspective l’impact de l’homme sur le monde qui l’entoure, avez-vous remarqué une différence dans l’élan vers une transition écologique en France ? Cet évènement en particulier a-t-il eu une influence sur le processus ?
« Je pense que toutes les crises récentes, des 10-15 dernières années, mettent en lumière d’une manière ou d’une autre l’urgence à agir. On parle de la pandémie de COVID-19, qui est effectivement un moteur de l’action, mais pas seulement, sur la transition écologique, sur la santé de manière générale. Là, très récemment, dans le Pas-de-Calais, il y a eu les inondations, il y a eu les sécheresses. Il ne faut pas oublier non plus les feux de forêt de l’année dernière. On a la crise en Ukraine, les coûts de l’énergie qui explosent, et qui nous rappellent notre transition énergétique absolument nécessaire.
C’est la somme de toutes ces crises qui, à un moment, font prendre conscience à l’homme du monde qui l’entoure, et aujourd’hui, on est au World Forum, qui a pour thématique justement ce lien entre la région et sa planète. Je pense que ce sont des prises de conscience qui, encore une fois, remettent le sujet sur le haut de la pile, mais dont le combat sur le fond doit aller au-delà des réactions aux situations de crise, et doit permettre des vrais changements d’habitude et de comportement, et ça, c’est le plus difficile à faire. »
Propos recueillis par Céilí Boudignon